Dans la ville d’aujourd’hui signes et architectures se disputent la rue. Publicité, sécurité, orientation, patrimoine… l’espace urbain s’est enrobé d’une surface communicante. Il y a une multitude de mots, de chiffres, de slogans, de logos, de noms, de pictogrammes… si bien que désormais la carte, censée être un support écrit, dessiné, légendé, semble incroyablement sèche au regard du territoire qu’elle nous aide à arpenter. Qu’avons-nous finalement appris de Las Vegas ? Après tout, la rue bariolée, marchande, n’est-elle pas l’expression de notre société, de son temps ? La révolution haussmannienne fut aussi l’invention urbaine d’une capitale adaptée au capital. Rien n’a vraiment changé finalement.
A Bordeaux, il arrive que l’on conserve d’un bâtiment seulement ses façades en pierres, construisant dans son dos un objet hors contexte.
La pierre est-elle toujours architecture ou devient-elle à son tour une image, un poster, un slogan ? Faudrait-il bannir de la ville une pollution visuelle au même titre qu’il existe une pollution sonore ? Mais alors que garder ? La fausse façade XVIIIème ou la vraie publicité H&M ?
Ici une petite expérience est proposée. Effaçons des cartes les textes et les légendes. Et sur les photos, retirons de la rue tout ce que l’on pourrait y lire et tout ce que l’on pourrait y regarder qui nous détourneraient de ce qui constitue sa matière première. Sur la carte subsiste un jeu de vides et de pleins, de dédales et de creux. Sur les photos, essayons de retrouver l’architecture, la ville et ceux qui y vivent. Maintenant essayons de nous rendre sur les lieux de ces photos sans signes, grâce à cette carte sans nom. Imaginons-nous parcourir la ville sans repères écrits, sans plus même d’iconographie. Serions-nous émancipés ou au contraire perdus, aveugles. Quelle ville préférons-nous ? Une ville repeinte de globalisation ou l’espace immaculé d’une rue qui ne serait l’expression que de son architecture ? Voilà en somme la question que nous posons ici…